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45^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

sa fraîcheur, mais elle ne signifiait que des murs épais de part et d'autre.

Et par l'escalier raviné, sans marquer un temps, ils montèrent aux chambrées qui s'allongeaient, au-dessus de leurs têtes, dans un sens perpendiculaire à ce couloir central, comme les barres d'un gril. Embouchées de fenê- tres à chacune de leurs extrémités, elles appelaient contra- dictoirement la lumière. La crudité de la chaux répar- tissait une clarté indifférente, nue, pauvre et impitoyable, sur laquelle aucune intimité ne parviendrait à gagner son coin d'ombre.

Et comme si le grand jour n'avait pas suffi, on y avait ajouté le pouvoir disciplinaire de la Symétrie. Les lits et les paquetages distribuaient l'espace en petits rectangles minutieux. De sorte que, dès qu'ils furent pris dans le compartimentage sordide de ces alignements, les hommes qui arrivaient par l'escalier, sentirent sur eux la double hostilité de ce qui est trop clair et de ce qui est trop ordonné.

Mais quand un grand garçon de charrue, battant des narines par chercher un peu d'air à respirer, et n'ayant trouvé qu'une âcreté douceâtre et poisseuse, s'écria :

— Bon sang de sort ! ça fouette rien là-dedans !

Chacun s'en avisa et l'Odeur prit possession d'eux. Ce fut peut-être le premier des instants qui décidèrent de tout.

Un bain de vapeurs stagnantes fait de goudron, de graisse d'armes, et de cuir échauffé s'épaississait autour d'eux. Et par là-dessus, le relent équivoque des mâles de vingt ans, suant sous cloche et privés d'eau. Cette atmos- phère est la marque de la caserne. Qui l'a respirée une

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