Aller au contenu

Page:NRF 6.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

II

Et quand je le dirais bien haut : il n’est rien arrivé. Et quand je le répéterais : il n’est rien arrivé. À quoi cela m’avancera-t-il ?

Que mon poêle se soit encore mis à fumer et que j’aie dû sortir, est-ce là vraiment un malheur ? Que je me sente las et transi, cela n’a pas d’importance. Si j’ai couru tout le jour dans les rues, c’est que je l’ai bien voulu. J’aurais aussi pu me reposer dans une salle du Louvre. Pourtant non. Certaines gens viennent là pour se chauffer. Ils restent assis sur les banquettes de velours, et, sur les bouches de chaleur, leurs pieds posent l’un contre l’autre comme de grosses bottes vides. Ce sont des citoyens extrêmement modestes qui savent gré aux gardiens de les tolérer. Mais si j’entre, ils grimacent. Ils grimacent en hochant la tête. Puis si je vais et viens devant les tableaux, obstinément ils me suivent de leur œil brouillé. J’ai donc bien fait de ne pas aller au Louvre. J’ai marché sans cesse. Dieu sait combien de faubourgs, de quartiers, de ruelles, de passages, de cimetières, de squares j’ai traversés… Je ne sais où j’ai rencontré un homme qui poussait devant lui une charrette à bras. Il criait : Chou-fleur. Chou-fleur — le fleur avec un eu bizarrement trouble. À côté de lui marchait une anguleuse femme qui, de temps