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venait de Constantinople qu’il me décrivit fort exactement et, changeant le sujet, il déploya une connaissance si variée des us et coutumes du pays où nous nous rendions, que moi, qui voyageais seul par amour de l’indépendance, je me fis incontinent cette remarque en moi-même : “ Voici un Vénitien dont l’expérience pourrait être précieuse dans l’équipée où tu vas t’embarquer ”. Ceci pensé, je m’abandonnai avec la confiance de la jeunesse à mon nouvel ami et lui dévoilai sans plus tarder le but aventureux de mon voyage.

— Oh ! oh ! s’écria-t-il, quel bonne fortune ! Vous avez devant vous, monseigneur, un homme qui connaît son Tripoli comme pas un. J’y ai vécu, esclave, pendant deux ans. Je sais comment il faut s’y prendre pour amadouer les plus incorruptibles eunuques. Je connais les plus belles femmes de la ville. Je… Mais souffrez que je vous raconte mon histoire.

On naviguait sur une mer sans ride. À l’horizon défilait une côte sablonneuse. Mon compagnon me fit signe de m’asseoir sur un rouleau de cordes, il prit place à mes côtés et commença son récit.

Récit de Zambiuelli qui instruira le lecteur des

traitements indignes que les pirates barbaresques

infligeait jadis a leurs victimes.

— Fait prisonnier il y a quatre ans par des pirates, je fus mené à Tripoli, en compagnie de deux gentilshommes français, d’un moine et de douze religieuses du couvent de Santa Lucia della Mare. Le moine fut égorgé d’ailleurs presque aussitôt et son cadavre jeté par-dessus bord : il était fort laid, gros et poussif et ne représentait aucune