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Page:NRF 6.djvu/613

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couvris le visage et la gorge de baisers passionnés. L’ardeur de mes vingt ans allait m’emporter plus loin encore, lorsque la voix de mon amie me rappela au sentiment des périls dont nous étions environnés. “ Plus tard, plus tard, cher prince ! ” murmura-elle ; “ il faut avant tout combiner l’évasion ”.

Je me rassis sur le sofa et nous imaginâmes un plan dont nous ne fûmes pas peu satisfaits. À la tombée du jour, le renégat introduirait Zambinelli et ferait sortir Giula à la faveur des ténèbres. Pour moi, j’attendrais dans la ruelle, auprès de l’ouverture secrète, avec trois mules et mes bagages. J’aurais préalablement retenu des cabines au bord d’un paquebot. “ Mais, me dit Giula, il faut acheter la complicité des odalisques dont une couche dans la chambre des femmes et trois dans le corridor. Et puis, caro mio, je ne saurais partir en abandonnant mes compagnes, les ex-religieuses, que nous ne pouvons songer à emmener, sans leur laisser quelque argent pour qu’à leur tour elles puissent séduire les gardiens du vizir. Les pauvres filles ont subi avec moi la mauvaise fortune ; il est juste qu’elles profitent aujourd’hui de la bonne. J’espère que vous serez généreux ”.

Sans répliquer un mot, je déposai sur les genoux de ma maîtresse une bourse pleine de ducats, de piastres et de doublons. Il y avait sous les mailles de soie de cette bourse de quoi racheter vingt esclaves, mais je n’osai m’abaisser à compter mesquinement de l’argent devant une femme dont j’attendais le bonheur et qui me sollicitait pour un motif si noble. Puis, retirant de ma ceinture l’écrin garni de turquoises, je l’ouvris aux yeux émerveillés de la captive. J’ornai son cou d’un lourd collier.