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634 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

seul contient une autobiographie régulière. Il raconte la jeu- nesse de Stanley jusqu'à l'âge de 19 ans. Le second réunit tant bien que mal des notes extraites d'un journal intime, des fragments de lettres et d'articles, des résumés de voyages. C'est la femme de l'explorateur qui a présidé à ce choix. Elle s'est efforcée de ne pas répéter ce que nous savions déjà de la vie de Stanley, ce qu'il s'est chargé de raconter lui-même dans les relations de ses voyages en Afrique. C'est le portrait de l'homme qu'elle a tenté d'établir plutôt que le récit de l'œuvre.

Le premier volume est d'un grand intérêt ; il atteint même une sorte de beauté. Non pas beauté littéraire, ni même, pour parler rigoureusement, beauté morale. Ces trois cents pages ne sont que le récit des souffrances et des mauvais traitements que subit un enfant, élevé dans un coin du pays de Galles par l'assistance publique, puis engagé comme mousse, réfugié à la Nouvelle-Orléans où il trouve auprès d'un père adoptif quel- ques mois de répit avant d'être jeté, pendant la guerre de Sécession, dans les souffrances de la vie de soldat et dans celles d'une atroce captivité. Je dis moins beauté morale que grandeur presque impersonnelle, car c'est beaucoup moins l'é- nergie du héros qui est ici en jeu que la force de résistance de la nature humaine. On s'émerveille qu'il reste quelque chose d'un enfant, après tant de coups, tant d'injustices, de décep- tions, de privations de toutes sortes. C'est moins le courage qu'on admire qu'une extraordinaire endurance. L'animal humain qui, dressé avec science, peut atteindre si haut, se peut-il que ce soit le même qui maltraité, piétiné, affamé, s'élève encore à tant d'excellence? Quoi, serait-on tenté de s'écrier, j'appartiens donc à une espèce qui, traitée pendant quinze ans contre toute hygiène et toute raison, respire et digère encore ! Telle est bien, semble-t-il, l'émotion qu'apporte ce premier volume, qu'il varie et qu'il amplifie, jusqu'à la rendre saisissante.

Dans le second, nous retrouvons Stanley échappé aux diffi- cultés les plus opprimantes. A lui maintenant de faire sa vie. Ce n'est plus l'histoire de l'Ogre maltraitant un enfant ; c'est celle d'un homme qui prend sa revanche. Or, il faut bien en

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