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POÈMES 655

On savait que le temps était coupé en deux :

Avant la grande nouvelle^ après la grande nouvelle ;

Et Fon se demandait comment Fon avait pu

Se croire heureux parfois et rire et aimer sa vie.

\J ne femme ^ les yeux grands ouverts sur le bonheur Murmurait en pressant ses doigts entrecroisés : — Faut-il que cela soit^ faut-il qu^ enfin cela soit ! Un vieil homme s^ étant levé battait des mains Et il criait : Tout est sauvéy à jamais sauvé !

Nous avons fait comme lui. Alors il s'est formé Une solide ronde autour de la table; Et la ronde baignait dans la grande nouvelle Comme un brasero dans son air chaud qui tremble.

Nous n* allions pas vite à cause des vieilles femmes ; Puis nous étions tous faibles de trop d^ allégement. Nous n allions pas vite^ mais tendions bien la ronde Et frappions bien le soly tous ensemble à petits pas Pour donner la mesure au plus beau chant du monde Qui naissait de nos voix et ne se trompait pas.

Nous chantions en nous appliquant, de tout notre cœur ; Nous entendions de notre bouche, mais sans surprise De limpides mots que nous n* avions jamais appris Mais qui depuis toujours, en nous, attendaient cette heure.

Au-dessus de nous dans la maison

Et au-dessous et à côté.

Des rondes frappaient de tous leurs talons

Et notre chanson avait trois échos

Assourdis et enchevêtrés ;

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