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LÉVY 65

rejetant sa cargaison sur une place. Une immensité et une poussière de désert, comme il y en a dans toutes les cités de l'Ouest, avec un grand hôtel de ville dans le fond et des maisons sordides autour.

Au travers d'un nuage acre, le peuple traîne, en tour- nant. C'est le manège des fins de journée. Jusqu'à cinq heures, le désert rôtit nu sous le soleil. Le premier coup de cinq fait éclater en nasillements éperdus les clairons des casernes, et, là-bas, sur les autres collines, les trom- pettes de cavalerie. Un quart d'heure plus tard, la troupe déboule lentement par les rues, en colonnes inégales, les pouces dans le ceinturon.

Les régiments de l'Ouest sont mal vêtus. Les capitaines d'habillement doivent économiser sur le drap de troupe car les pantalons ne joignent pas le godillot. Les cols béent autour des cravates roulées en ficelle par la sueur. Mais les officiers de l'Ouest ont tout l'après-midi à eux pour boire l'apéritif à la terrasse des cafés.

A sept heures c'est un tournoiement grouillant. Le voyageur du dining-car qui lève le nez au démarrage et jette un coup d'oeil sur les bas quartiers, ne se doute pas que cinq mille hommes, civils et militaires, manœuvrent ainsi, en plein cœur de la cité, tous les soirs que Dieu fait, sur deux hectares de poussière ou de boue, pour le plus grand bénéfice du commerce local.

Mais au coup de huit tout est redevenu désert et éten- de». Un nuage de poudre chaude embue encore les becs Auer municipaux. Chacun est chez soi. C'est l'heure où, s'il n'a pas trouvé une table amie sous une petite suspen- sion de cuivre jaune, l'angoisse de l'isolement s'abat sur l'Etranger. L'Ouest sait vous faire comprendre qu'il n'est

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