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754 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Il est bon de paraître ignorer ce que les gens s'offrent à vous dire, et lorsqu'on vous dit : " N'avez-vous pas appris telle chose ? " de répon- dre " Non " et de les laisser continuer quoique vous sachiez ce qu'ils croient vous appendre. Il y en a qui prennent plaisir à débiter des nouvelles, parce qu'ils pensent qu'ils ont le talent de bien narrer, d'autres parce qu'ils se piquent de sagacité dans la découverte. Il y en a qui aiment à faire voir qu'on a eu, bien à tort, confiance en eux : tous ces gens-là seraient désappointés et fâchés si vous leur disiez " oui ". Paraissez toujours ignorant (à moins que vous n'ayez affaire à un ami intime) de tous les sujets de scandale et de calomnie, les auriez-vous entendus mille fois. Les parties lésées regardent le receleur du même œil que le voleur : lorsque la conversation tourne là, faites le sceptique, quoique vous en soyez solidement per- suadé, et prenez toujours parti pour atténuer le mal. Mais cette feinte ignorance doit cacher des informations très sûres et c'est là probablement le plus sûr moyen de se les procurer. La plupart des hommes ont la vanité d'afficher leur supériorité sur les autres, fût-ce pour un instant et pour des bagatelles ; de sorte qu'ils vous disent ce qu'il fau- drait taire, plutôt que de ne pas laisser entendre qu'ils sont en état de dire ce que d'autre ne savent pas. En outre, cette feinte ignorance vous fera passer pour un homme qui n'est pas curieux et qui

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