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414 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

maisons de terre et de boue. Si tu t'étais trouvé un matin dans le Sahara, sur une colline dominant un tapis de sable dont les grains sont comme des perles, ou si tu t'étais promené dans un parterre aux couleurs charmantes et aux parfums capiteux, tu aurais respiré une brise embaumée qui fortifierait ton âme ; si au matin d'abon- dantes averses, monté sur une éminence, tu avais parcouru la plaine des yeux, tu aurais vu de tous côtés des trou- peaux de bêtes sauvages paraissant et disparaissant comme des mirages et paissant les plus parfumées des plantes. Aimable repos ! Il ne reste après lui aucun chagrin dans un cœur qui souffre, aucune peine pour celui qu'a envahi la tristesse..." Mes malles étaient faites, ma place retenue sur la diligence ; j'avais jeté un dernier regard sur l'Oued verdoyant et sur l'horizon gris du désert. Et puis à la dernière minute, j'eus le sentiment si vif du rêve que je laissais derrière moi, de la magnifique entreprise que j'allais abandonner, du morne ennui qui pèse sur une garnison de province que j'entendis sans broncher les grelots de la diligence. Elle s'arrêta devant ma porte; je fis dire que je ne partirais pas. Lorsque, du haut de ma terrasse, je l'eus vue enfin disparaître en cahotant dans la dune, je me sentis le cœur plus léger que ces poussières de pollen qui flottent au printemps sur nos jardins. Mon esprit était alerte comme si j'avais été sous l'impression du haschich ; des figures d'amis oubliés traversaient avec rapidité ma mémoire, leurs vies me paraissaient misérables et comme déroulées dans une cave. Moi seul j'étais libre, moi seul je savais le prix de l'air, de l'eau, de l'ombre et de l'étendue... J'envoyai ma démission.

Comme un geste suffit à lier pour jamais notre vie !

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