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LA FÊTE ARABE 429

tristesse des ruines, c'était surtout le sentiment d'une tra- gique aventure où, avec le bonheur d'un homme qui était mon ami, deux races, deux civilisations paraissaient avoir sombré.

Quand enfin détournant les yeux de cette désolation, je jetai un regard autour de moi, je vis cette chose plus surprenante, plus inattendue que tout : la nature même avait changé !

En vérité, c'était bien toujours le même immense horizon, doux à l'oeil, flexible et bondissant, dont l'âme restait toute saisie, ce bel enchevêtrement de dunes, cet inextricable écheveau, ces passages infiniment subtils d'une couleur dans une autre, et sur la droite, interrompant la ligne bleue de l'horizon, le même petit escarpement rocheux où les sables en volutes semblaient des pétales de roses. Oui, c'était bien encore tout cela. Mais le sentiment délicieux qu'on éprouvait autrefois à s'enivrer de cette lumière brillante et de ces arabesques sans fin, pour se reposer ensuite sur les verdures de l'oasis, dans cette ombre placée là comme un oiseau sur le sable, ce repos, cette sécurité, ce délice des yeux, rien de tout cela n'existait plus : l'oasis avait disparu.

Les palmiers n'agitaient plus au-dessus des jardins leurs belles aigrettes frémissantes, leurs palmes en faisceau de sabres. A leur place, une végétation basse et grêle s'éten- dait le long du ruisseau, et les seuls arbres qui jaillissaient de ces verdures à ras du sol, c'étaient de minces peupliers qui paraissaient plus étiqucs dans ces vastes champs de lumière.

J'eus envie de laisser tout là, de fuir cet afifreux séjour, ces beaux lieiix déshonorés, sans en rien voir davantage.

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