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620 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Espagnols qui sont les maîtres d'Oran, et aux Maltais qui, eux, pillent indifféremment partout.

Cette campagne électorale, ce fut lamentable et comi- que. J'eus à lutter contre l'instituteur, un Français pour- tant celui-là, qui s'était fait à Ben Nezouh le champion des races méditerranéennes, et qui sans doute pour mieux affirmer sa fraternité latine avait épousé la sœur du phar- macien sicilien. Cet homme qui ne croyait à rien nour- rissait contre l'Islam une haine fanatique ; par principe il n'avait jamais voulu apprendre un mot d'arabe, et le succès dont il était le plus fier, c'était d'avoir décidé quelques enfants indigènes à renoncer à la culotte plissée pour adopter notre élégant pantalon, car pour ce qui est de la chéchia il n'avait jamais pu, à son grand désespoir, surmonter leur répugnance pour tout ce qui porte une visière, que ce fût casquette ou chapeau. J'eus à lutter contre le curé maltais, un étonnant gaillard qui avait appris la théologie je ne sais où et la savate à la légion étrangère, et qui me reprochait en chaire d'abandonner la Croix pour le Croissant. Et comme si ce n'était pas assez de l'instituteur et du curé, j'eus encore contre moi le Marabout du lieu.

Si Aïssa, Marabout de Ben Nezouh, n'était pas un de ces grands chefs d'Ordre dont l'autorité s'étend sur des tribus entières. C'était un marabout de village, mais il possédait la baraka, le pouvoir des miracles, et par là échappait aux lois de la morale commune. On le voyait les jours de marché, au milieu de la place, accroupi sur son tapis, avec sa cour de dévotes qui lui caressaient l'échiné. Rien ne valait contre tous les maux, tous les accidents, tous les ennuis, quelques mots écrits de sa

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