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^54 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de la nuit, qui devait se faire à l'oued En Nsa, nous fîmes halte quelque temps près d'un petit tas de pierres, seul accident qui retint le regard dans la triste étendue. Autour de nous, sur le grand plateau désert s'accumulaient l'ombre du soir, le mystère des surprises que ce pays nous réservait peut-être, et le secret de la passion qu'il inspirait k mon ami. Le moment de nous séparer était venu.

— Adieu, me dit-il ; vous retournez en France, portez mon salut à ce monde que je n'ai pas oublié ; moi je reviens à mes Nomades. Allah fait à chacun sa part. Qu'il nous protège tous les deux.

Il s'approcha de son méhari qui l'attendait à genoux, passa la jambe par-dessus la croix qui surmonte la selle, appuya légèrement le pied sur le cou de l'animal qui se dressa d'un bond. Puis il me fît un dernier geste d'adieu plein de la résignation islamique. Je le suivis quelque temps du regard. Bientôt il ne fut plus qu'une silhouette mouvante, une ombre dans le soir, un rêve dans la nuit.

Et moi, je continuai ma route avec mes villageois.

Trois jours plus tard, j'arrivais à Laghouat. Je trouvai la petite ville militaire en rumeur. Elle était pleine des cavaliers arabes que les tribus du Sud envoyaient au Maroc. Ils étaient là plusieurs centaines, cavalcadant aux alentours du bureau militaire et faisant leurs derniers préparatifs, car ils devaient partir le soir même. Parfois un des Caïds qui les avait amenés passait sur quelque beau cheval dans un burnous brodé d'or. Parmi eux se distin- guait un vieillard à barbe blanche, le Bach Agha El Hadj Lakhdar, de la grande tribu des Larbaa. Dès le début de la conquête il était avec nous ; les vieux soldats d'Afrique,

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