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trahissent, et d’autres qui trahissent leurs livres. Pour nous, qui vivons avec les livres immortels, et non avec les hommes morts, ils sont vrais s’ils nous forcent à les croire. Il ne faut que nous-mêmes pour discerner s’ils nous ont menti. Je sens dans Chateaubriand la perpétuelle illusion qu’il veut nous faire, et qu’il s’est faite. Chateaubriand danse en vain, sur son rocher, le pas du sublime et de la majesté. Jean-Jacques est plus direct à l’homme, dans son chemin creux et ses ornières. Le plus homme est le plus sûr de régner. Il est aussi le plus vrai.

Beethoven est tout entier dans ce qu’il veut être. Les Quatuors, les Symphonies et les Sonates, ces méditations sans égales, ces combats et ces victoires magnifiques, ces effusions d’amour et de lumière, voilà Beethoven, et non ce petit bourgeois bruyant et quinteux, à l’humeur noueuse, aux caprices violents, négligé et presque sale, dédaigné des femmes, et ridicule amant.

Tout de même, Rousseau. Il est, vraiment, bien plus ce qu’il veut être que ce qu’il est. L’homme premier, en lui, n’est pas l’enfant vicieux, ni le petit laquais fripon, ni le greluchon des vieilles veuves, ni rien de bas, ni rien de mauvais ; mais au contraire, dans le vieillard même, un simple enfant persiste, avec son duvet, un être plein de foi et de bonté, une âme éprise d’union, qui ne saurait respirer sans croire à la bonté des hommes.