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94 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

M""* Gallois aurait pu venir, elle aussi, mais elle n'y tenait pas : elle préférait sa tranquillité. Elle disait à Juliette :

— Va donc te promener pendant que tu es jeune, que tu peux en profiter. Ça te distraira.

Juliette ne demandait pas mieux.

Cougny et Ponceau fumaient cigarette sur cigarette. Les chevaux galopaient. Mathé n'avait pas besoin de se servir de son fouet : ils allaient vite, tout naturellement, parce qu'il faisait frais, et qu'ils avaient bien dormi jusqu'à trois heures du matin. Des maisons isolées apparaissaient derrière des arbres. Ils virent tout un village que la route coupait en deux parties inégales. Tout le monde y était debout ; les femmes récuraient avec des torchons de paille des marmites noires de suie, et des poules qui venaient de pondre chantaient dans les cours. Des gamins, pieds nus, s'arrêtaient au bord de la route pour voir les belles dames qui avaient le temps de se promener. La moisson s'étant faite quinze jours plus tôt que les autres années, quelques machines à battre ronflaient. Les ombres s'allongeaient démesurément lorsqu'elle ne se cassaient pas en deux au pied d'une haie ou d'un mur. Marcelle était heureuse de se sentir emportée loin de la petite ville et de cette maison qu'elle avait transformée mais où rien ne l'intéressait plus. Assis en face d'elle, Cougny la regardait, mais elle lui faisait de temps en temps cette grimace des enfants qui signifie :

— Ce n'est pas pour toi. Tu n'en auras pas. Juliette pensait à des départs, en souriant à quelque

rêve intérieur. Assis en face d'elle, Ponceau la regardait, mais à la dérobée, peut-être à cause de Marcelle, parce

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