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Page:NRF 8.djvu/1038

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1030 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

la tombée de la nuit, les sampaniers poussent des cris dolents pour affirmer leur présence et se garer les uns des autres ; les hâleurs de jonques chantent des chansons monotones et mélancoliques. La nuit tout à fait venue, des lanternes brillent à l'avant des sampans immobiles côte à côte le long des berges et veillent. Toute la ville est piquée de ces lumières de cul-de-sac.

Vraiment, Ho-Kien-Fou est une bien curieuse ville, et complexe dans ses singularités ; de nuit ou de jour, elle offre maints visages : le soir vient, un moustique l'annonce d'un archet monotone et tout aussitôt claquent les castagnettes des veilleurs de nuit ; sur les bords des canaux, il y a de légers et doux clapotis, mais le courant est une eau muette qui glisse lentement : les nuits de clair de lune, on a la sensation d'une huile qui file.

Comme une herbe drue et courte, moelleuse à la semelle, pousse tout le long de ces canaux, on les suit volontiers. Une petite grenouille parfois gicle : dans la lumière louche du jour entre chien et loup, elle brille comme une goutte d'eau, puis tombe au canal avec un léger bruit qui mouille l'oreille.

Rue du Chanvre, Hilaire est connu comme le loup blanc. Chez Nyoqh, les fumeurs d'opium le nomment entre eux Man, le Lotus, car Hilaire demeure à cette époque de sa vie en un vieux temple perdu dans des lotus.

L'année de sa mort, aux promotions de la fête des Lanternes — cette belle fête durant laquelle, au soir, tout doit luire, même les Célestes qui se piquent des phalènes sur le nez — le Fils du Ciel, bien que Hilaire fut fonctionnaire d'Europe, l'avait nommé Mandarin de sixième classe, classe civile, cela va de soi, dont l'habit

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