I062 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
que nous la connaissons davantage, nous en venons à soup- çonner que cette âme mystérieuse ne renferme que le vide ; et nous éprouvons quelque chose de la déception de Mâtho, lorsque, après avoir traversé les salles étincelantes du temple de Tânit, encore tout aveuglé par l'éclat des marbres, des métaux et des gemmes, il finit par arriver au fond du sanctuaire, à un obscur réduit, où il ne discerne rien, qu'une pierre noire, à peine dégrossie. "
M. Bertrand a raison lorsqu'il écrit que ce serait faire injure à Flaubert que de considérer Salammbô comme une reconstitu- tion historique. Mais alors pourquoi défendre avec âpreté la documentation archéologique du roman, la maintenir comme
- une image plausible de l'Afrique au V^ siècle avant Jésus-
Christ " ? déclarer sûr " que toutes ses affirmations et toutes ses hypothèses reposent sur des textes ou des documents certains. Il avait lu à peu près tout ce qu'on pouvait lire de son temps sur Carthage " ? Pourquoi traiter de cuistres ceux qui ont relevé dans Flaubert les erreurs de l'information ? La cause ici est pourtant bien entendue. Le jugement de M. Audollent dans Carthage romaine n'est évidemment qu'un jugement d'archéologue, et il n'atteint pas l'artiste ; mais sur son terrain il est incontestable. Récemment M. de Trévières, en un article de la Grande Revue^ a montré avec évidence de quel incroyable et hasardeux bric à brac était faite chez Flaubert la chasse aux renseignements. Il y a plus. Flaubert — il l'a reconnu lui- même — savait parfaitement qu'il n'y avait pas d'aqueduc dans la Carthage punique, que l'aqueduc était une œuvre romaine. Et il a introduit l'aqueduc dans son roman parce que l'aqueduc s'y logeait bien, lui fournissait un tableau. Il a bien fait, cela ne nous empêche pas de trouver le chapitre de 'aqueduc admirable. Mais rien non plus ne nous empêche de nous divertir devant les colères qui prennent Flaubert lors- qu'on vient lui contester ses données historiques. Victor Hugo, aisant, dans AymeriUot, parler Charlemagne de " clerc en
�� �