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Page:NRF 8.djvu/137

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JULIETTE LA JOLIE I3I

qu'ils ne sont pas heureux comme des rois ? Mais Juliette...

Il l'avait dit à sa femme :

— Tâche donc, sans la brusquer, de savoir ce qu'elle a.

Car on ne tirerait rien d'elle par la violence. M™* Gallois essayait, en vain. Juliette répondait toujours :

— Je t'assure que je n'ai rien.

Tout de même il semblait qu'avec l'automne sur la petite ville, le malheur planât au-dessus de cette maison qui avait été la maison de la joie.

Quelques hameaux étaient isolés dans les champs sous des châtaigniers : il fallait connaître les chemins qui menaient jusqu'à eux, mais c'est le métier des facteurs. Il avait une lettre pour les Joly, de Planvoye. Dans la vieille maison où n'entrait pas beaucoup de lumière, les Joly, l'homme, la femme, deux grands garçons et une fille, mangeaient la soupe devant un feu de fagots. Les lits n'étaient pas faits. Une bougie brûlait encore sur la cheminée. Il jeta la lettre sur la table, avec un " Bonjour tout le monde ! " et partit tout de suite. Il n'avait pas le cœur à s'arrêter pour causer. Il continua sa tournée. Quand je rentrais elle était là en train de lire. Rien qu'à la voir j'étais heureux. Il ne s'arrêta pas davantage à l'auberge où il avait l'habitude de casser la croûte vers onze heures : il n'aurait pu ni boire ni manger. Il avait hâte d'être à la maison. Hier soir elle était rentrée à sept heures, avec des yeux brillants, et n'avait pas prononcé dix paroles. Elle serrait les lèvres comme pour ne point laisser s'échapper un secret ; elle ne mangeait plus, depuis des semaines, que du bout des dents.

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