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l6o LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

les traits d'un vieillard, la dignité même de la poésie. Et moins il nous paraissait brillant et glorieux, plus à nos yeux sa dignité prenait de prix. Cet homme qui allait mourir méritait autant que bien d'autres la consécration du succès et des distinctions officielles — et il ne s'était jamais soucié de l'obtenir. Il pouvait derrière lui considérer sa carrière, noble et nue, sans une erreur, sans une petitesse, sans un manquement à l'idéal. Son idéal était humainement modeste ; il ne s'agissait pour lui que de travailler à son art — et sans même essayer d'en vivre. Il justifiait devant nous la gratuité de l'efFort d'art.

Contemporain de Mallarmé, comment ne pas lier en une seule gerbe les exemples de ces deux vies ? L'exemple du poète qui rendait l'hommage, nous sembla même plus frappant que celui du poète qui le recevait. Léon Dierx n'avait pas même connu cette royauté de la parole dont Mallarmé pouvait se flatter en secret et il n'avait jamais reçu, lui, que des hommages d'estime. Rien pourtant n'avait pu le détourner du but. Il jouait le rôle de " pur poète " et tenait à rester jusqu'au bout dans son rôle. Voilà ce que nous admirions en lui. Trois jours après cet émouvant hommage, subitement, il entrait dans la mort.

Et qu'on ne dise pas que cette conception de l'art et de la poésie, de l'attitude de l'artiste ou du poète, est aujourd'hui passée de mode et qu'il convient de proposer aux générations nouvelles des exemples plus éclatants. Dût-on envisager la mis- sion du poète comme plus directe et plus agissante, comme plus solidaire de la vie sociale et plus soucieuse de gloire immédiate, elle ne saurait sans s'amoindrir se dépouiller de cette dignité native. En ce temps d'arrivisme, de journalisme et de démagogie, nous ne manquerons, quant à nous, aucune occasion de rappeler la poésie au plus noble de ses devoirs.

On ne peut trop marquer d'estime à un effort aussi considé- rable et soutenu que celui de MM. H. Martin-Barzun,

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