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NOTES 195

��DEUX RÉCENTS SCANDALES. — Le " Faune " de Nijinski et la " Salomé " de Regnault.

Les deux plaisantes aventures qui ce mois-ci auront défrayé la chronique ! Elles nous feront toucher du doigt le vice fon- damental dont sont entachés aujourd'hui la plupart des juge- ments portés sur l'oeuvre d'art : un parti-pris moral ou politi- que. S'il y a eu scandale ? Je crois bien ! Mais le scandale Nijinski, ce n'est pas d'avoir mis en scène le " Faune ", ni le scandale Henri Regnault, d'avoir livré à l'Amérique Zakmé...

Un peintre " qui promettait " et dont l'académisme patent recouvrait une certaine flamme romantique, — de laquelle il est impossible du reste de préciser la qualité et la valeur, — meurt prématurément comme un courageux jeune homme français en défendant le sol de la patrie. Qu'on déplore sa perte, qu'on le pleure, qu'on l'admire, qu'on l'honore dans son civisme, rien de mieux. Mais que, quelques quarante années après, à la faveur d'une recrudescence du sentiment patriotique, on consacre chef-d'œuvre le plus extérieur des exercices d'école, parce qu'il est signé de son nom ; qu'on mette un certain point d'honneur à conserver le dit chef-d'œuvre à la patrie, fût-ce au prix de 400.000 fr. (le prix d'un Rembrandt ou d'un Mantegna) : voilà une aberration dont eussent dû s'éviter le ridicule certains " amis " de notre grand musée national. Oh ! ce n'est pas la faute du sentiment patriotique de nos amateurs d'art si la Salomé de Regnault ne trône pas, en regard de V Olympia, au Louvre 1 — Vous voulez qu'on l'achète ? Soit. Mais par sous- cription nationale et pour la pendre au Panthéon, qu'elle ne saurait plus déparer... — et cessons du moins de confondre les héros du civisme et les héros de l'art. La " gloire de la France " qu'on invoque en la circonstance ne pourra que gagner à cette distinction. Dieu merci, nous ne manquons pas de héros, et ni d'une sorte, ni de l'autre.

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