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2l8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

mence à penser peut moins encore fournir matière à une œuvre d'art. Au contraire de l'amour, la pensée qui commence n'est pas dans son acte, elle paraît à celui qui l'a dépassée un état inchoatif, un balbutiement. Ce que l'on pense d'abord est toujours banal, et la flamme intérieure, le pur en- thousiasme qui l'accompagne, apparaît ensuite, toujours, comme une illusion. L'idéal de la pensée est en avant de l'homme, dans une fin, et non en arrière, dans un commencement. Le fait de la pensée devient oeuvre d'art en tant qu'il est cette plénitude et cette fin. Charmide et Lysis sont beaux, mais d'une beauté qui se rapporte à l'amour, à l'action, à la vie, et que l'émoi de pensée revêt seulement d'une fleur passagère, d'un duvet qui s'évapore dans une rougeur ou un sourire. La claire, l'indestructible et la substantielle beauté de la pensée en tant que telle, elle est dans le vieux Socrate du Phédon : " Et les Thébains diraient vrai, si ce n'est en ceci, qu'ils le savent. " Devant ces grandes plaines de lumière que con- naissent la maturité et la vieillesse, comme les premiers feux pâlissent et ne relèvent bientôt que du silence et de l'oubli ! Vue du dehors, la pensée de l'adolescent fait un spectacle médiocre, aussi bien que l'amour chez Arnolphe. Roméo et Juliette qui meurent après leur premier nuit d'amour, Gaston de Foix, tué à vingt-deux ans dans l'éclat du triomphe et du génie, obtiennent un destin de

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