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238 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

en vain ce jaillissement, ce parfait naturel qui, chez Balzac, se traduit en verve, chez Scott en bonhomie. "

Evidemment l'essentiel n'est pas d'avoir l'une ou l'autre des deux théories, il est d'avoir, dans l'une ou dans l'autre, du génie. Mais c'est dans l'esthétique à laquelle se rallie M. Bourget que le roman apparaît le plus clairement et le plus abon- damment comme ce genre mixte dont je parlais tout à l'heure. Il paraît ici intermédiaire entre les mémoires du romancier et son imagination. Il nous rend fraîche et présente cette vérité psycho- logique que dans toute mémoire il y a imagina- tion, dans toute imagination mémoire. Je crois pourtant que le rendement esthétique de cette formule est, tout compte fait, inférieur au rende- ment de l'autre.

D'abord il arrive presque toujours que cet auteur et ces personnages, qui coexistent dans le roman, se comportent de façon inégale sous la durée. Il faudrait pour qu'ils demeurassent de concert, que le génie critique et le génie créateur fussent, chez l'auteur, égaux, ce qui ne se produit pour ainsi dire jamais. Ou plutôt il faudrait que l'auteur, qui se tient visible dans son roman, fût un personnage aussi intéressant, ni plus ni moins, que ceux du roman même. Je crois bien que George Eliot seule réalise ce difficile et parfait équilibre. Il y a très peu de romans de Balzac

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