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256 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

arrêté sur son trottoir et me suit des yeux pour vérifier si je vais bien tourner à gauche.

Si je m'en allais étourdiment tout droit, ils me rappelleraient d'un cri.

Avant de disparaître, je leur fais de la main un salut vibrant ; puis j'examine le petit papier qui contient toute leur sollicitude.

Le plan est gauche, mais les noms des rues y sont écrits en toutes lettres et bien lisibles. Je pense aux recommandations écrites qu'on donne aux enfants.

Maintenant mon regard scrute les passants. M'aideraient-ils aussi à trouver ma rue Dozulé ? Sont-ils tous comme les deux hommes de tout à l'heure ?

— Oui, presque tous ; même je prends acte, à cet instant, qu'ils sont tous comme les deux hom- mes de tout à l'heure ; je me plais dans cette cer- titude qu'il arrive au plus mauvais d'être comme eux, sans se forcer, sans même y prendre garde ; que si j'arrête ce bourgeois maussade et lui demande poliment de me " donner du feu ", il me tendra sa cigarette avec un empressement soigneux, veil- lera au bon allumage de la mienne, et que nous échangerons au mojns un sourire.

Ah ! je touche une fois de plus l'humble trésor sur lequel nous devons fonder. Il n'est pas secret, il ne se dissimule pas : comme l'air et la lumière, il est ostensible et partout.

Charles Vildrac.

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