Page:NRF 8.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

28o LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Grand'mère de la femme de Brindley fut née un quinze février ! pensais-je. Brindley était un causeur plein d'en- train ; on pouvait se fier à lui pour causer. Moi aussi je sais parler, mais à condition que je sois avec un homme qui sache, lui aussi, parler. Avec un mauvais causeur je suis un peu plus mauvais causeur que lui. Au bout d'un silence énervant, le Docteur dit soudain qu'il avait oublié de faire une visite à Hanbridge ; que la chose était d'im- portance, et est-ce que ça me ferait plaisir d'y aller avec lui dans son automobile ?

Je fus persuadé (et je le suis encore), que cette visite était une pure invention. Il désirait quitter la maison pour rompre le charme maléfique qui nous enveloppait, et il n'osait pas me proposer une sortie dans les rues des Cinq Villes comme partie de plaisir.

Nous partîmes donc, pataugeant avec précaution dans la boue épaisse et le brouillard gluant de Trafalgar Road, entre ces mille bizarres petites maisons d'ocre rouge et ces misérables terrains vagues, laissant à droite et à gauche de grands panneaux couverts d'affiches, les fours arrondis des poteries, et de hautes cheminées fumantes, de montée en descente, de descente en montée, croisant et dépassant à chaque instant des trams électriques qui plongeaient et se relevaient comme des navires en pleine mer. Enfin nous entrâmes dans Crow^n Square, le centre de Hanbridge, qui est la métropole des Cinq Villes.

Et pendant que le Docteur faisait sa mystérieuse visite, je promenai mes regards sur les grands magasins, les banques et les hôtels aux enseignes dorées. Des rues en pente rayonnaient autour de la place et au long de leurs perspectives, je distinguais des façades de salles publiques,

�� �