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286 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Je vis alors en Myatt un homme important. Par un effort d'imagination, je sentis que quelque chose comme le destin des nations dépendait de lui.

Maintenant, je me rappelais avoir vu de grandes affiches jaunes sur les palissades que nous avions longées, avec les noms de Knype et des Pirates de Manchester en lettres hautes d'un pied, et l'inscription : Match d'Association, à Knype, répétée partout. Il me semblait que le nom héroïque de Jos Myatt, si Jos Myatt était vraiment le meilleur arrière de la Ligue, si vraiment sa présence ou son absence influençait les paris jusque dans Birmingham, aurait dû être inscrit aussi sur les affiches, et peut-être même avec son portrait. Jos Myatt m'apparaissait en matador, avec le long ruban d'une cravate écarlate bar- rant sa poitrine, et des culottes brodées.

— Ma foi, dit Buchanan, si Knype tombe dans la seconde division, on ne paiera plus de dividende, et il n'y aura plus jamais de bons joueurs de football dans les Cinq Villes.

Les intérêts en jeu semblaient se compliquer davan- tage. Et dire que j'avais passé près de quatre heures dans le pays sans avoir deviné que le pays frémissait dans l'attente angoissée de grands événements ! Et ce médecin écossais, sur un mot de qui le grand Myatt eût refusé de jouer, n'avait pas laissé échapper une syllabe sur l'affaire, et il avait fallu qu'une observation jetée au hasard par Buchanan lui déliât la langue. Mais tous les médecins sont singulièrement discrets. La discrétion est un de leurs principaux plaisirs intimes.

— Venez voir les pigeons, dites ? proposa Buchanan.

— Les pigeons ? répétai-je.

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