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LE MATADOR DES CINQ VILLES 29 1

III

Nous allâmes à la Grande Tribune, bondée d'hommes dont tous les yeux étaient fixés, par un effort inconscient mais opiniâtre, sur un commun objet. Parmi les hommes il y avait quelques femmes vêtues de fourrures et d'écharpes et également absorbées. Personne ne fit attention à nous quand nous montâmes l'escalier de bois branlant, mais si par hasard nous frôlions un être humain, le coude de cet être humain se jetait automatiquement en dehors avec violence pour nous repousser. Je sentais confusément autour de moi, s' étendant en longues lignes parallèles, des chapeaux, des casquettes et des pardessus épais, et à l'infini des planches de bois sale et nu offrant des éclats pleins de danger excepté là où l'usure les avait rendues lisses et brillantes. Puis peu à peu je pris con- science du vaste champ, qui était plutôt brun que vert. Autour du champ était une large bordure de tout petits chapeaux et de toutes petites figures blanches, étages par rangs, et au-delà de cette bordure, des panneaux d'affi- chage, des cheminées, des fours, des gazomètres, des poteaux de télégraphe, des maisons, et des arbres morts. Et çà et là, perchés dans les endroits les plus inattendus et les plus périlleux, même très haut sur le fond du ciel terne, il y avait des êtres humains cramponnés. Sur le champ lui-même à l'une de ses extrémités, il y avait une

lignée de personnages dispersés, pareils à des poupées, et

imobiles. Quelques-uns avaient le corps blanc, d'autres l'avaient rouge, et trois d'entre eux étaient en noir ; tous

lient si petits et si loin qu'ils semblaient n'être que des

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