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NOTES 377

�� ��EXPOSITION D'ART PERSAN (Pavillon de Marsan).

L'art persan est un art de joie. C'est un paradis terrestre jalousement gardé, où nul serpent ne vient poser de dangereux problèmes. On ne saurait concevoir un art d'où toute angoisse humaine fût plus strictement bannie. Les égyptiens eux-mêmes se trouvèrent contraints par les proportions de la grande sculp- ture et par l'interprétation du visage humain, à exprimer dans leurs œuvres plastiques un certain tourment, une sorte de vertige abstrait, une confuse aspiration vers ce qui est éternel. Mais réduits par l'Islam aux arts d'agrément, à la miniature, à la broderie, à la céramique, les persans demeurèrent, sans effort, prisonniers de leurs souriantes conventions. Ils aiment repré- senter des scènes guerrières, mais malgré les morts étendus, malgré les flèches et les coups de lance, on dirait de folles fantasias plutôt que de sanglantes luttes. Comment d'ailleurs imaginer de vraies blessures, de vraies souffrances, au pied de ces collines d'azur et de corail, parmi ce perpétuel printemps de fleurs ? Par exception, voici sur une miniature une scène de supplice, deux condamnés qu'on flagelle, pendus par les pieds : aucune horreur ; le spectateur ne parvient pas à se départir de son optimisme ; il est persuadé que ces criminels sont coupables de tous les forfaits, et qu'en regard de leurs crimes, ce châtiment n'est qu'indulgence, qu'harmonie en rapport avec ces rochers en dentelle et ces buissons de roses.

Il serait curieux de rechercher pourquoi, disposant d'un espace tout aussi restreint, de couleurs tout aussi éclatantes et joyeuses, et condamnés au même parti-pris décoratif, nos miniaturistes du Moyen-Age ont laissé la réalité envahir par mille fissures leur art tout calligraphique, et dans quelle mesure leurs arabesques sont devenues un langage. Celles des enlumi- neurs de la Perse restent un chant où ne se mêle aucun mot

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