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époque du moyen âge qui précède la Renaissance : l’un est, selon un mot heureux, sa puissance d’affinité. Il semble que les hommes, surtout les humbles, le popolo minuta, le peuple maigre comme on l’appelle, comprenne tout à coup que ses maux lui pèseront moins s’ils sont mis en commun. Le second trait est un esprit de sacrifice et de pénitence, la croyance mystique en la vertu du renoncement, du dénûment, de la pauvreté. " Ce monde est une énigme, une cruelle impasse, une basse-fosse d’ambitions, d’égoïsme, de cupidités, où les passions s’entre-heurtent, où les plus forts piétinent et écrasent les faibles ; seule l’expiation librement acceptée, la souffrance volontaire, contient le mot du problème et la clef de la délivrance. L’erreur, c’est le désir de primer, de jouir, c’est la concupiscence du luxe et de la chair, l’orgueil diabolique de la vie : nulle issue au monde, que de renoncer au monde, de ruiner la vieille et mauvaise illusion et, à la place de l’antique idole exorcisée, de diviniser la douleur. "

Mais on voit le danger de cet état d’esprit assez pareil, en somme, à celui que Tolstoï et Dostoïevski avaient mis, il y a quelques années, à la mode. Toute doctrine du renoncement dégénère aisément en un pessimisme lugubre ; elle se change en une négation haineuse de la vie. On se figure le monde comme une œuvre mauvaise, création monstrueuse du génie des ténèbres, rêve hideux dont le grand but humain est de se délivrer. Le Parfait saura s’affranchir du rêve de la vie ; il se réunira au principe de lumière, dans la paix du non-être, au sein de l’inconscient et de l’indéterminé.

C’est contre ces doctrines de désespoir, qui désolaient des provinces entières de l’Europe, que les mendiants