LES POEMES 507
si délaissé de tous et de soi-même.
Racontez-nous vos soirs d^ absinthe et de dégoût
les faux amis riant avec votre maîtresse
et vos nuits d^ insomnie oh le remords vous veille
droit a votre chevet, comme un cierge maudit.
Racontez-nous vos jours perdus en courses vaines,
parlez-nous de vos heures gaspillées, incertaines,
de vos ridicules, de vos basses misères,
dites vos hontes, vos vices, tenaces comme des peux
ou laissez-nous vivre nous-mêmes : et taisez-vous !
De M. Henr}' Dérieux je ne crois rien pouvoir transcrire de meilleur qu'un fragment du noble poème qu'il consacre à Charles Guérin :
Quelquefois, quand V averse est finie, un bruit d^eau Du jardin frémissant s élève de nouveau Dont le chant plus menu comme un écho pénètre Dans la chambre, appelant les yeux à la fenêtre. Comme on étire après le bain son corps nerveux Les arbres lentement relèvent dans Pair bleu Leurs bras tout imprégnés de la fraîcheur nocturne ; Et chaque feuille encor, retenant comme une urne Le souvenir de ses caresses, Pon peut voir Les arbres à leur tour se mettant à pleuvoir...
Ainsi, pour lui appliquer sa comparaison même, M. Henry Dérieux s'apparente au poète mort par une gravité intime et triste — j'entends ceci comme un éloge.
Quand j'en viens à parler de M. Jean Cocteau, ce n'est pas sans quelque embarras. Entre ses poèmes et moi s'interpose sa figure, ou du moins la figure que lui ont faite les chroniqueurs mondains, les journaux de théâtre, tous les dispensateurs de gloire immédiate, qui ne sont jamais les derniers à saluer un
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