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LES REVUES 553

goût. Ainsi, mes chaussures, je suis obligé de les commander sur mesure. J'exige qu'elles soient pareilles à des boîtes. Voyez plutôt !

" Vous connaissez, n'est-ce pas, mon pardessus d'hiver en ratine. Il a été exécuté d'après mes plans. Hélas ! j'avais oublié les poches. Ne sachant où les placer, mon tailleur prit le parti de les situer beaucoup trop bas, c'est-à-dire hors de la portée de mes mains. De sorte que je suis contraint de me baisser pour en tirer mon mouchoir. Et cela dure depuis six ans. Je n'ai pas de chance.

" Oui, la toilette et les belles filles, je parviens à m'y inté- resser. Je voudrais avant de mourir, avoir quelques belles filles.

" Je n'en ai encore possédé qu'une : la première. J'étais trop jeune. Je ne me suis pas rendu compte qu'elle était jolie. "

Paul Léautaud aime les bêtes :

" Dernièrement, je lui montrai un petit fox que quelqu'un m'avait prêté et qui devait m'accompagner au restaurant.

— Est-ce que, dit Léautaud — la question qu'il voulait me faire lui semblait un peu délicate — est-ce que... vous l'em- menez dans un bon restaurant, au moins ? "

��Paul Léautaud possède cinq chiens, trois chats et une chèvre. Il leur a consacré sa vie. Mais il n'est pas seul, parmi les littérateurs contemporains, à faire profession d'une amitié touchante pour les animaux. M. Maurice Boissard, lui aussi, témoigne à leur égard de sentiments fort vifs. Il les exprime avec délicatesse et mesure. Car jamais écrivain, plus que M. Boissard, ne fut l'ennemi de l'outrance et du pathos. D'une veine que l'ironie et même le cynisme ne défendent pas toujours d'être " poétique " — puisse ce mot m'être pardonné ! — il tire des accents pour ainsi dire voilés. Leur résonance est intime et profonde. M. Boissard a reçu en partage un don bien rare : le naturel dans les sentiments et dans le style. Sur ce

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