MIGUEL MANARA 597
Or la vie est longue ici, m'entendez-vous ? La faim trop passionnée est aussi une tentation. Il faut broyer l'herbe mauvaise et la racine tiède
d'une mâchoire d'animal qui a une belle prairie et de longues, longues
heures d'été devant soi. Et il faut parler à l'Eternité en syllabes précieuses
et claires même la nuit, quand son amour prend à la gorge
comme l'assassin. Sache aussi qu'il est excellent de s'en tenir au
verbe ordonné, digue de granit pour les grandes eaux amères de
ton amour ! Car il faut que prière soit jeûne avant d'être festin, et nudité du cœur avant d'être manteau de ciel
bruissant de mondes. Un jour viendra peut-être où Dieu te permettra d'entrer brutalement, comme une hache, dans la
chair de l'arbre, et de tomber follement, comme une pierre, dans
la nuit de l'eau, et de te glisser en chantant, comme le feu, dans le
cœur du métal. Ce jour-là tu sauras de quelle chair est fait le
monde, et tu parleras librement à l'âme du monde de l'Arbre, de l'Eau et du Métal, et tu lui parleras avec la voix du vent et de la pluie
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