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Page:NRF 8.djvu/673

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LA MÈRE 667

d'observer que cet homme correct, aux yeux ordinaire- ment stupides, le fixait avec une expression de haine aiguë, comme une hyène afiàmée. De Braganza se dé- tourna vivement ; pourtant Van Leer avait eu le temps de jeter un coup d'oeil dans les basses concupiscences du demi-Portugais. Ho, ho, de Braganza convoitait sournoi- sement la fille de l'horticulteur, et le pauvre avait surpris à la fois le geste séducteur de Sussie et l'étourdissement momentané de Van Leer ! Cela était dur à avaler pour le half-cast.

Van Leer se tint pour convaincu que cet instant capital venait de décider le destin de De Braganza. Tous les éléments d'un roman se trouvaient réunis : le jardin d'Almeida, de Braganza, Sussie... ho ! ho... haheat !

N'est-ce pas, ce serait mal de profiter de sa haute naissance, privilège gratuit, pour supplanter un pauvre négrillon ! Le hollandais se savait faible sous bien des rapports, mais il osait aôirmer qu'il ne prendrait point d'avantages au détriment d'autrui...

Encore une fois, la grenouille éclata de chaleiu-...

Van Leer choisit un cigare, un vrai hollandais, regarda Sussie — avec la certitude que jamais il ne pourrait l'oublier — et il alluma.

JOHANNES V. JENSEN. (traduction d^Agnh y. Copeau)

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