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LES POÈMES 705

Ma fille, lui dit-il, mes champs sont-ils stériles ? Mm père, répond-elle, ils rendent cent peur mille.

Ma fille, lui dit-il, renies-tu mon froment? Mon père, répond-elle, il sert au Sacrement.

Ma fille, lui dit-il, renies-tu mes abeilles ? Mon père, répond-elle, aux cierges elles veillent.

Ma fille, lui dit-il, renies-tu mes doux fruits? Mon père, répond-elle, en croix ils ont mûri.

Leurs sanglots ineffablement se répondirent Comme les vers sacrés qiù montent de deux lyres.

��On remarquera dans cet admirable morceau combien l'émo- tion va justement dans le sens de la forme. Mais la forme est trop dure pour changer avec l'émotion. Et dès qu'il n'y a plus alternance des voix, ni, comme plus haut, succession, énumération, défilé d'images, elle fait aussitôt sentir sa raideur, sa monotonie. Ah ! je vois bien, en recopiant ces exemples, ce qu'a gagné en mesure, en sévérité, en puissance la poésie de Jammes, quand elle a pu ainsi se condenser. Je vois trop bien ce qu'elle a perdu dans les parties intermédiaires : cette souplesse, cette mollesse fluctuante, cette longue vibration selon la vie qui, j'en suis sûr, n'eussent pas été déplacées dans les peintures chrétiennes et rusti- ques des sept chants. Je le constate avec regret, sans parvenir i concevoir par quelle aberration incroyable d'humilité ou peut- être d'orgueil, ayant à exprimer ici toute sa foi et tout son Dieu, Jammes a justement renoncé aux meilleures ressources de son génie.

Mais nous qui l'accusons d'aveuglement, et discutons les Giorgtques, peut-être sommes-nous les aveugles et devons-nous

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