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CHRONIQUE DE CAERDAL 885

siècle. Tous l'ont adoré. Tous l'ont eu devant les yeux, le préférant aux autres poètes avec fidélité, Gondi comme Pascal, et Sévigné comme Saint- Evremond.

Le temps de Louis XIII et de la Fronde est bien le siècle forcené du " Moi ". Pascal était de son temps plus qu'un autre, lui qui le fuyait : il en avait les passions ; il en sentait les violences par soi-même, lui qui réduit tout à la volonté, lui qui mesure tout au cœur, et lui qui juge si forte- ment : " le moi est haïssable ". A la façon de Corneille, il aurait pu dire plus qu'un autre ce que j'ai tant dit moi-même : " le moi est tragique. "

Public ou secret, plus léger ou plus terrible, c'est ce jeu de la tragédie qui fait la beauté du siècle de Louis XIII, et de son style. Avant tout, que le génie abonde et qu'il soit libre. La force n'est que trop tentée de se donner des lois ; et il est trop sûr qu'à la fin elle s'en donne. L'excès n'est pas une vertu si commune. La vertu en est faite, plutôt que de défaut. Le jeune âge ne vaut-- il pas mieux que la plus sage vieillesse et la plus tempérante ? Je ne pense pas à la prime jeunesse, moins encore à l'enfance qui m'ennuie et me dégoûte assez souvent. Mais j'adore la jeune puis- sance, l'âge adulte, où l'homme a toutes les pas- sions, et l'énergie de toutes. Et la volonté de les faire servir à quelque beauté, qui vaut la peine de vivre.

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