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84 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Ils partirent tous les' trois. Ils longèrent le mur d'en- ceinte du cimetière. Si les pierres n'éclataient pas de chaleur, c'est qu'elles étaient solides. Des touffes de fleurs jaunes et tristes, qui sont comme les fleurs des morts, jaillissaient des interstices ; des lézards, pattes écartées, immobiles, avaient l'air de dormir. Dans l'herbe du che- min couronnes usées, bouquets flétris, boîtes rondes en fer-blanc toutes rouillées, étaient éparpillés. Ponceau essaya d*une plaisanterie sur les macchabées, mais ni Marcelle ni Juliette ne répondit, ne sourit même. On ne pouvait passer là sans songer à la mort.

Et puis, quand ils eurent tourné le dos au cimetière, bien que le soleil brûlât encore cet autre petit chemin bordé de buissons et de haies qui menait aux Mouilles, Juliette se mit à rire sans motif, nerveusement. On sentit un souffle de vent chaud, mais c'était tout de même du vent ; elle dit :

— Au moins ici on respire.

De ce qu'elles tenaient ouvertes leurs ombrelles, leurs visages paraissaient plus délicats encore. Marcelle marchait la première en affectant, histoire de rire, de buter à chaque pas. Elle disait à Ponceau en se retournant :

— Tâche de me rattraper à temps.

Il la laissait faire et dire, agacé. Il finit par lui répondre :

— Quand tu seras fatiguée, tu sais, tu t'arrêteras. Elle en eut les larmes aux yeux. Mais Ponceau lui aussi

semblait être un peu nerveux. Il marchait à côté de Juliette. Ils virent la Pilavoine dans son champ. Les trois vaches et l'âne paissaient à quelque distance. Elle avait commencé, dans la matinée, à couper son blé à la faucille suivant son habitude, seule, vêtue d'un cotillon et d'une

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