898 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
du particulier, des moyens propres à un art, sans l'intermédiaire d'une généralisation intellectuelle.
Cela ne signifierait pas grand'chose si des exemples n'essayaient de le préciser.
I. — Melchior de Vogue écrivit, à la fin d'une carrière de lettres honorable, des romans peut-être honorables aussi, mais à coup sûr médiocres. Il en est un qui me demeure, en ce moment, assez présent à la mémoire, les Morfs qui parlent. C'est construit avec quelque entente du métier. Mais l'impression littéraire est analogue à celle que laissent un Cabanel ou un Bouguereau : une main molle, qui n'a jamais palpé, sous la chair apparente, un dessous. Or, ce qui rend, dès les premières pages, l'œuvre banale, c'est qu'aussitôt nous voyons clairement l'intention de l'auteur, qui est de faire du symbole, et qui coule naturellement aux formes de symbole les plus conventionnelles, les plus prévues. Elzéar Bayonne, Rose Esther, Kermaheuc, Cantador, sont créés devant nous, forgés, élevés, pour devenir des personnages représentatifs, des chefs de file, des étiquettes sur une série. Et il est instructif de voir comme ces symboles prémédités font long feu. Théophile Gautier remarque dans les Grotesques que, depuis que le monde est monde, un seul enfant ne se vit point désigner par ses parents la poésie comme une voie de perdition, mais fut au contraire, dès ses tendres ans, nourri pour être poète, façonné dès le foyer au service des Muses. Ce fut Jean Chapelain ! Je livre le fait aux réflexions du lecteur, et ne lui désigne pas le symbole, pour que, l'ayant trouvé de lui-même, il l'en juge meilleur...
Un exemple du même ordre. Je place les bons romans (il n'y en a pas des tas) de M. Louis Bertrand bien au-dessus des Morts qui parlent', mais il lui est arrivé de cultiver ce genre avec la même candeur que le très distingué vicomte, et de faire parler, lui aussi, symboliquement, des morts assez mécaniques. Je me souviens d'une œuvre compacte et honnête, oii M. Ber-
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