l'amour dans le miroir... 965
prairies sans rencontrer d'obstacle à son vol, et se pose, enivré de son propre vertige, sur la ligne claire de l'horizon, comme sur une corde tendue et vibrante....
Ailleurs, dans un salon un peu dégarni, dont la dignité, indépendante du style, tient à une noble attitude de vie, reflétée dans les meubles avec l'usure et la tristesse d'un long combat secret, une femme en robe sombre est assise au piano.
J'aperçois de dos sa taille encore jeune et ses cheveux gris tordus sur la nuque à la mode d'autrefois.
L'azur profond et givré des nuits de grandes gelées appuie d'une poussée continue sur les doubles fenêtres.
Un autre silence, cette fois, le silence de la neige, miraculeux, fantastique, enveloppe ce sou- venir ; un silence tel que l'heure est comme sus- pendue dans une attente indicible.
On a l'impression que la pendule, prenant de l'avance sur le temps, continue de scander dans le vide une durée qui ne s'écoule plus, et que les choses elles-mêmes, habituées qu'elles sont de dormir au milieu du bruit, réveillées soudain et saisies d'inquiétude, s'entre-regardent, écoutent, prodigieusement attentives.
Ce n'est point trop de toute cette vigilance, de tout ce solennel respect de minuit, pour recueillir comme il convient, avec précaution et piété, ce
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