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Page:Nadar - Quand j'étais photographe, 1900.djvu/159

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étouffés, presque éteints par un pieux respect et sous l’écrasement…

La sœur de charité qui était restée agenouillée au pied du lit se releva enfin et, sans s’être détournée, disparut.

Nous nous mîmes à notre travail…

S’il est un devoir pénible dans la photographie professionnelle, c’est l’obligée soumission à ces appels funéraires — qui ne se remettent pas.

Ce n’est pas seulement de tomber, comme cette fois, au milieu de douleurs contre lesquelles on ne peut rien, — explosions si cruelles parfois, si déchirantes, que bien qu’étrangères, elles arrivent à se faire vôtres sans que vous vous en puissiez défendre ; — c’est aussi de sentir bientôt s’évoquer en soi-même le souvenir des deuils personnels, de retrouver subitement réveillées les anciennes douleurs qui se taisaient, assoupies, — les plaies mal cicatrisées qui se ravivent et se remettent à saigner, lancinantes…

D’autres fois, il est vrai, et combien d’autres fois ! n’avons-nous pas, tout à l’opposé, rencontré sous l’apparat des deuils et les regrets officiels, l’indifférence plus glacée que le cadavre lui-même, l’âpre cupidité, seule fervente après la dépouille de celle