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Page:Nadar - Quand j'étais photographe, 1900.djvu/177

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native de lout ce qui ressemble à l’exécrable chiffre, je ne pouvais me défendre d’être touché à l’accent de cette passion, tellement sincère, émue, pour des affaires d’algèbre : parfois je me sentis enlever moi-même avec mon ami par l’éther, emballé vers l’inextricable cosmogonie, dans la contagion d’une poétique inimaginée où nous allions voir tout à l’heure les théorèmes s’arrondissant au rythme des périodes et les mnb2 s’envolant en strophes ailées…

Mais le devoir était là, strict, jaloux. L’astronomie devait lui échapper, et cet hymen tant aspiré, qui eût pu être si fécond, Monckhoven n’eut pas le temps de le réaliser. Son réve resta rêve.

Pourtant il trouva plus d’une fois à s’échapper pour tirer de ce côté. Son activité surhumaine savait par-ci par-la se réserver de chers loisirs au profit de sa plus fervente attraction.

Il s’était élevé pour lui seul un observatoire où il entassait les instruments qu’une nation seule peut se donner[1]. Il n’eût su là, moins que partout ailleurs, compter ni marchander. Rien n’était trop cher, et il construisit lui-même des télescopes dont les modèles étaient copiés dans les premiers observatoires du monde.

Et ces dépenses, ces efforts, n’étaient, ne pouvaient être stériles. Lorsque me fut donné le bonheur

  1. Cet observatoire, acheté par le gouvernement belge après la mort de Van Monckhoven, est aujourd’hui propriété nationale.