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Page:Nadar - Quand j'étais photographe, 1900.djvu/204

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Girodet. « Le père Picot » comptait pour l’une des constellations dans le ciel gris de M. Paul Delaroche et de l’autre « père », le père Ingres, — « ce Chinois, disait Préault, égaré dans les rues d’Athènes ». — C’était l’heure de ce qu’on appelait, grands dieux ! « le Paysage Historique », et pendant qu’on huait Géricault et qu’on se cabrait devant Delacroix, le père Picot tenait tout aussi convenablement qu’un autre sa place en cette pléiade fuligineuse où les étoiles s’appelaient Alaux, Steuben, Vernet et autres gloires du musée de Versailles. — Les impressionnistes nous ont balayé tout cela, et qui pourrait leur en vouloir, malgré quelques torts ? S’il reste un médaillé de cette Sainte-Hélène, encore récalcitrant à l’école du plein air, s’il en est un dernier que notre brave Manet, d’abord si conspué, effarouche encore, que celui-là se console à recontempler le Serment des Horaces, l’Enlèvement des Sabines et Atala sur la tombe de Chactas.

Mais l’École s’opiniâtrait, tenant bon, et Le Gray s’y trouvait mal aise. L’aliment lui était insuffisant et l’estomac robuste de ce petit homme à l’esprit inquiet voulait autre chose que le sempiternel navet bouilli dans la guimauve. Tout jeune père de famille, se débattant sans relâche entre l’obsédant besoin de produire, les embarras de la vie matérielle et des chagrins intimes, cet agité s’énervait à se consumer stérilement sur place dans son atelier du chemin de ronde de la barrière Clichy.