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les conquêtes du commandant belormeau

Mlle Herminie lui donnait toujours une robe ou un tablier, des souliers ou des bas.

Il lui faudrait demander des fonds et c’est mademoiselle qui serait étonnée !

Pourtant elle se décida vite, car elle ne pouvait pas endurer l’idée que Quellec souffrait du froid.

— Mademoiselle, dit-elle, en toussant un peu, je voudrais bien de l’argent ?

— Tu n’en as plus, Benoîte ?

— Pas du vôtre, mademoiselle ; du mien, s’il vous plaît ?

— Que veux-tu en faire ? Tu as deux robes neuves et tes souliers n’ont pas encore été ressemelés…

— Ce n’est pas pour moi, mademoiselle.

— Tu n’as pas de parents à qui faire des cadeaux ?

— Mademoiselle, c’est un cadeau, comme qui dirait une charité ; ou bien plutôt une charité qui aurait l’air d’un cadeau.

— S’il en est ainsi, ma bonne fille, je n’ai rien à dire, Jésus, dans l’évangile, a magnifié l’aumône de la veuve. Combien veux-tu ?

Benoîte se gratta l’oreille, se frotta le menton puis se décida à avouer :

— Trois écus, mademoiselle.

— C’est beaucoup pour tes moyens, ma fille. As-tu bien réfléchi ?

— Oui, mademoiselle, c’est une occasion pas ordinaire.

— Tu en es juge, Benoîte ; voici trois écus.

Le jour du marché, les commères de Wattignies se transmirent cette nouvelle :  on avait vu Benoîte, Benoîte de chez Mlle de Batanville, marchander des gilets d’homme, chez Guillaume Heurteloup, le bonnetier.

On disait qu’elle en avait acheté un, en laine brune, épais comme le doigt… ce n’était tout de même pas pour elle ?… Jamais Benoîte ne s’était senti le cœur