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à travers le grönland.

culté, mais M. Nordenskiöld ne voulut pas l’exposer aux dangers qu’entraîne toujours pareille entreprise, cette partie du littoral n’étant pas habitée.

En 1888, les glaces présentaient un peu au sud de Puisortok sensiblement la même disposition que lors de la croisière de la Sofia. Nous rencontrâmes en effet un « champ » s’avançant au large et un banc de drifis le long de la côte. Dans cette région les courants me paraissent avoir, tout au moins de temps à autre, un régime irrégulier.

Au nord du 62e degré, ayant aperçu une profonde échancrure qui paraissait s’étendre jusqu’à la côte, Nordenskiöld fil route vers terre ; cette fois encore, une mince bande de glaces l’empêcha de débarquer. Désirant atterrir sur un point du littoral situé plus au nord, il n’essaya pas de se frayer un passage à travers ces drifis, « opération qui, suivant toute probabilité, n’aurait présenté aucune difficulté sérieuse ».

Le 4 septembre enfin, le vaillant explorateur réussit à traverser un banc de glaçons assez clairsemés immédiatement à l’ouest du cap Dan, et fil entrer la Sofia dans une baie qu’il appela port du Roi Oscar. Ce jour-là et le lendemain matin, les membres de l’expédition s’occupèrent à terre de diverses recherches scientifiques. Ils trouvèrent de nombreuses traces fraîches du passage d’indigènes, mais n’en aperçurent aucun, ce qui est assez curieux, cette région étant habitée par plusieurs clans d’Eskimos. L’arrivée de l’expédition échappa à l’attention des naturels. Le seul vestige laissé par les savants suédois était une bouteille vide de bière, provenant de la brasserie de Carlsberg, que les Eskimos trouvèrent et qu’ils remirent l’année suivante au commandant Holm comme un objet surnaturel.

Le 5 septembre, la Sofia reprit la mer pour tenter d’atteindre une seconde fois la côte au nord du cap Dan. Cette tentative ayant échoué et la provision de charbon étant très entamée, l’expédition battit en retraite[1].

En 1884, l’état des glaces ayant été particulièrement favorable dans le détroit du Danemark, plusieurs baleiniers norvégiens

  1. On raconte en Islande qu’en 1756 plusieurs bateaux pêcheurs mouillèrent sur la côte orientale du Grönland, au nord-ouest du Vestfirdir (Island). Ce renseignement ne mérite peut-être pas une très grande confiance. (Voir Geografisk Tiddskrift, Copenhague, vol. VII, p. 117 et 176.)