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À TRAVERS LE GRÖNLAND

dans la caravane affluèrent. Il en arriva plus de quarante, venant d’hommes occupant les positions sociales les plus différentes : des marins, des paysans, des officiers, des pharmaciens, des négociants, des étudiants sollicitèrent l’honneur de me suivre. Beaucoup d’autres personnes étaient, en outre, toutes disposées à m’accompagner si leur concours pouvait m’être utile. De Danemark, de Hollande, de France et d’Angleterre je reçus des offres de service. Ayant besoin avant tout de bons patineurs et d’hommes vigoureux et endurcis aux privations, mon choix porta sur Otto Sverdrup, ancien capitaine de la marine marchande, Olaf Dietrichson, lieutenant en premier de l’infanterie norvégienne, et Kristian Kristiansen Trana, un brave paysan norvégien.

Pensant employer des rennes et supposant que des Lapons pourraient nous être utiles, je priai un ami habitant le Finmark[1] de m’assurer le concours de deux Lapons pasteurs. Il me fallait, écrivais-je, des hommes courageux. J’insistai, en outre, pour qu’on leur représentât bien les dangers de l’entreprise, qu’on leur fit comprendre qu’ils avaient autant de chances pour en revenir que pour rester là-bas. Je désirai avant tout des célibataires de trente à quarante ans, l’homme étant, à cet âge, dans toute sa force. La réponse se fit attendre, la poste ne marchant l’hiver que tous les quatorze jours à travers le Finmark. Enfin la lettre désirée arriva. Deux solides gaillards de Karasjok étaient, m’écrivait-on, disposés à faire partie de l’expédition, moyennant une bonne somme. Immédiatement je télégraphiai à mon ami de les expédier au plus vite. Je ne reçus ensuite aucune autre nouvelle de mes futurs compagnons, sinon qu’ils étaient en route et qu’ils arriveraient à Kristiania tel jour. Ai-je besoin d’ajouter que j’avais le plus grand désir de voir lesdits Lapons ?

Nous les attendions un samedi soir, et des amis étaient allés au-devant d’eux à la gare pour les mener à leur logement. Mais ce jour-là point de Lapons, non plus que le lendemain. Nous ne savions trop ce qu’ils étaient devenus, lorsque le lundi j’appris que mes gens étaient enfin arrivés. Au lieu de prendre le train de voya-

  1. Laponie norvégienne. (Note du traducteur.)