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historique des explorations dans l’intérieur du grönland.

Le voyageur danois aurait désiré poursuivre sa route, mais le mauvais état des chaussures de la caravane l’obligea à battre en retraite. Lui et les Grönlandais qui l’accompagnaient marchaient presque pieds nus. « Chacun de nous avait emporté deux bonnes paires de bottes, mais elles furent bientôt mises en lambeaux par les aspérités de la glace et des pierres, et il nous était impossible de les raccommoder, la jeune fille qui nous accompagnait ayant perdu ses aiguilles. Quelles que fussent nos souffrances, cela nous amusait fort de voir nos doigts de pieds sortir des bottes. » (Relation de Dalager.)

Après la relation de son excursion, Dalager expose ses observations. La traversée de l’inlandsis paraît lui avoir causé moins de frayeur qu’à ses contemporains. « À mon avis, écrit-il, le glacier qui nous empêche de communiquer avec l’Österbygd peut être traversé ; il ne parait pas aussi dangereux qu’on le dit et les crevasses n’y sont pas très profondes. » D’autres raisons empêchent, d’après lui, la traversée de l’inlandsis ; « on ne peut emporter dans une pareille expédition, ajoute-t-il, la quantité de vivres nécessaire à l’alimentation de la caravane. En outre, dit-il, dans cette région, le froid est très vif, et un homme ne pourrait le supporter pendant les nombreuses nuits qu’il devrait passer sur le glacier. » Dalager parle ensuite en termes pittoresques de la température qu’il dut supporter pendant le voyage :

« Bien que tous nos campements fussent établis sur le rocher, et que nous fussions tous habitués au froid, nous étions gelés quelque temps après nous être couchés. Je portais deux gilets épais et un vêtement en peau de renne ; la nuit je me couvrais de plus d’un chaud pardessus et m’enveloppais les pieds d’une peau d’ours ; malgré ces précautions, j’avais toujours froid. Jamais en hiver, pendant les nuits que j’ai passées en plein air au Grönland, la température n’a été aussi basse que durant ces nuits du commencement de septembre sur le glacier. »

Depuis ce voyage jusqu’à nos jours, un petit nombre d’Européens seulement se sont aventurés sur l’inlandsis. Parmi les voyageurs du siècle précédent je dois citer Fabricius[1]. Son travail sur les glaciers

  1. O. Fabricius, Om Drivisen i de nordlige Vande og fornemmzlig i Davis-Slrædet,(1784). — Dansk. Vid. Selsk. Skrifter, 1788. 5, 65-84.