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à travers le grönland.

Ole Nielsen Ravna, Lapon nomade de Karasjok, était âgé de quarante-cinq ou quarante-six ans : il ne savait trop lui-même. Toute sa vie il avait vécu sous la tente sur les montagnes du Finmark. Au moment où il partit pour le Grönland, son troupeau n’était guère nombreux : il comptait de deux cents à trois cents têtes ; à ce sujet, il ne voulut jamais rien dire de précis.

Seul de nous tous il était marié, et laissait derrière lui cinq enfants. Comme tous les Lapons nomades, il était paresseux et indolent. Aux haltes, son plus grand plaisir était de rester oisif, accroupi dans un coin de la tente. Très rarement il fit preuve d’initiative. Il était de très petite taille, mais extraordinairement fort et résistant. Toujours il prit le plus grand soin de ménager ses forces. Lorsque nous partîmes, il parlait très peu norvégien. Ses rares observations, exprimées en langage très pittoresque, excitaient au plus haut point notre hilarité. Il ne savait pas écrire, non plus que se servir d’une montre, mais il savait lire. Sa lecture favorite était le Nouveau Testament, traduit en lapon, dont il ne voulut jamais se séparer.

Ainsi que je l’ai raconté plus haut, ces deux Lapons étaient venus avec nous attirés par la promesse d’une bonne somme d’argent, et non point par le goût des aventures. Au départ, ils manifestaient la crainte la plus vive, ce qui n’est guère extraordinaire, ignorant comme ils l’étaient les conditions du voyage. C’étaient de braves et agréables compagnons. À plusieurs reprises ils firent preuve d’un dévouement touchant et j’en vins à avoir en eux une très grande confiance.


traîneau.