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à travers le grönland.

geurs expérimentes ont nié les services que rendent les animaux de trait dans les expéditions arctiques, le renne ou le chien ne pouvant traîner, affirmaient-ils, que leur nourriture pour un temps très court. J’avoue ne pas comprendre cette objection. Ne peut-on pas, en effet, toujours employer les animaux un certain temps, et après cela les abattre ? Une expédition ayant un nombre de chiens ou de rennes suffisant pour haler tous les traîneaux, et emportant pour eux une certaine quantité de nourriture outre ses approvisionnements particuliers, peut avancer rapidement et sans fatigue pendant quelque temps. De plus, l’abatage successif des animaux lui procure de la viande fraîche : par suite, point n’est besoin de se charger d’une quantité considérable de conserves. Lorsque le moment arrive de tuer la dernière bête de trait, on a fait un bon bout de chemin, et, ayant mangé tout le temps de la viande fraîche, les hommes sont aussi vigoureux alors qu’au départ.

Une expédition arctique peut très bien n’employer que des chiens. La viande de cet animal est comestible pour des gens affamés ; les Eskimos la regardent même comme un mets de choix. Un homme qui ne pourrait manger de cet animal est indigne de faire partie d’une exploration.

J’avais le projet d’emmener de bons chiens de trait, si j’avais pu m’en procurer. Ces animaux ont sur les rennes l’avantage d’être faciles à transporter et à nourrir. Ils mangent comme nous, tandis que l’alimentation des rennes consiste en un lichen lourd et encombrant. Le temps m’ayant manqué pour me procurer des chiens, je songeai à acquérir des rennes. J’écrivis à ce sujet en Finmark et fis même acheter du lichen à Röraas ; mais, ayant reconnu bientôt les difficultés qu’eussent présentées le transport de ces animaux, puis leur débarquement au Grönland, je renonçai à cette idée et résolus d’avoir recours seulement à la vigueur de nos bras pour haler les traîneaux. Lorsque le transport de chaque morceau de pain qu’on mangera coûte de pénibles efforts, il va de soi que les bagages seront réduits au strict nécessaire. Approvisionnements, traîneaux, instruments, vêtements, tout doit être aussi léger que possible. En pareil cas, la valeur d’une chose dépend de son poids. D’autre part, la légèreté n’est pas tout : il est nécessaire en outre que les objets