Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
35
équipement.

café. Chaque fois que nous en bûmes dans l’après-midi ou le soir, nous dormîmes très légèrement et même pas du tout la nuit suivante. Nous en bornâmes alors l’emploi au déjeuner. Cette fois encore, l’essai ne nous réussit guère. Après cela je renonçai à l’usage du café, au grand désespoir des Lapons[1].

À mon avis, le thé est une boisson préférable au café. Une fois notre provision de chocolat épuisée, nous prîmes le matin du thé léger avec du lait condensé.

Je suis absolument opposé à l’emploi des excitants, tels que le thé, le café, le tabac et l’alcool. L’alimentation doit toujours être simple et naturelle, surtout lorsque l’homme est soumis à de dures fatigues dans un climat très froid. Il faut ignorer la physiologie pour croire que les excitants ont une influence salutaire sur le corps et l’esprit. Si les stimulants n’exercent pas sur une personne d’effets pernicieux, ils causent toujours une excitation temporaire suivie aussitôt après d’une dépression physique. Les excitants, à part le chocolat, ne contiennent du reste aucune matière nutritive.

Il peut arriver, m’objectera-t-on, qu’à un moment donné il devienne nécessaire de stimuler les forces de la caravane. Pareille éventualité ne se présente jamais pendant une expédition en traîneau, où tous les efforts doivent tendre à obtenir des hommes un travail réglé et soutenu.

Ces considérations paraîtraient peut-être superflues, si les dernières expéditions arctiques n’avaient pris de grandes provisions de tabac et de spiritueux. Lisez par exemple la liste des boissons alcooliques emportées dans la dernière expédition arctique allemande, à bord des navires Germania et Hansa (voir l’introduction, pages 44 et 46). On ne saurait trop déplorer l’usage des spiritueux lorsqu’il conduit à des drames comme ceux qui ont signalé le voyage de Greely. Ainsi nous voyons le brave sergent Rice, à moitié mort de faim et de froid, avaler du rhum mélangé d’ammoniaque, dans

  1. Les effets de cette essence de café sur nous tous, même sur les Lapons, étaient frappants. Ils seraient dus, d’après les renseignements que m’a donnés le professeur Torup, à la caféine, qui est un poison très violent. Vraisemblablement l’essence de café contiendrait cette substance en beaucoup plus grande quantité que le café préparé suivant le mode habituel.