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à travers le grönland.

la tête d’un air de doute. On n’osait pas nous l’avouer, mais tout le monde pensait ne plus nous revoir.

Balto raconte en ces termes le départ de là caravane : « Un grand nombre de messieurs et de dames nous suivirent au quai d’embarquement, pour nous souhaiter un heureux voyage. Lorsque le vapeur se mit en marche, tous poussèrent plusieurs hourras en noire honneur. Dans les petites villes situées entré Kristiania et Kristianssand, les habitants vinrent également nous saluer, pensant que nous ne reviendrions jamais. »

À Copenhague je m’entretins avec le commandant Holm, le chef de l’expédition danoise de 1885-1885 sur la côte orientale du Grönland. Il eut la bonté de me donner d’importants renseignements sur la banquise de la côte. Je vis également M. Maigaard, fonctionnaire danois, qui avait accompagné l’Américain Peary dans son exploration de l’inlandsis (1886). C’était une des rares personnes qui auguraient bien du résultat de notre voyage, et qui ne doutaient pas de la possibilité de traverser le Grönland.

À Leith je retrouvai mes compagnons, auxquels nos compatriotes résidant dans cette ville avaient fait un chaleureux accueil. Le consul de Norvège, raconté Balto, a été pour nous un second père. Au cours du voyage, notre Lapon a trouvé des « pères » dans beaucoup d’endroits.

Le 9 mai au soir nous nous embarquâmes à Granton sur le vapeur danois Thyra, appartenant à la Forenede dampskib Selskab de Copenhague. Ce navire entretient avec un autre vapeur le seul service régulier existant actuellement entre le Danemark et l’Islande.

Vers minuit, après avoir dit adieu aux derniers amis qui étaient venus nous conduire à bord, nous sortîmes du port pour faire route vers le Nord.


Au milieu de l’Atlantique nord, est situé l’archipel des Ferö. Il y a plus de mille ans, nos ancêtres découvraient ces îles et s’y établissaient. Longtemps ils possédèrent ce pays, et chaque année des navires norvégiens venaient le visiter. Ce temps-là est loin ; aujourd’hui nos compatriotes abordent rarement aux Ferö. Actuellement les Feröiens vivent au milieu de la mer, séparés pour ainsi dire du