rique du vieux. Mis en veine, plusieurs veulent causer. Paul Charette, contre-maître au Caribou, prend une gueulée de moustache avec ses lèvres et commence.
— Je m’rappelle ben d’mon jeune temps, par chez nous, à l’Industrie. On avait un beau chemin de fer, bâti par l’honorable Barthélemy Joliette, un fier homme si y en avait un. Les rails étaient en bois r’luisant. Mais j’vous mens pas, on s’rendait pareil, de Lanoraie à l’Industrie. Un jour d’élections, un avocat d’la ville embarque pour v’nir déclamer un discours à l’Industrie. À trois milles de Lanoraie, v’la l’train qui s’arrête. Le beau parleux d’la cité se lève et demande au conducteur : « Quelle est, s’il-vous-plaît, la raison du retard ? » Le vieux campagnard lui répond : « C’est ane vache qui a arrêté l’train ». Le convoi repart, cahin-caha. Deux milles se font. V’là les chars qui s’arrêtent encore. L’avocat se r’lève, marabout, et crie au vendeux de billets : « Mais, allons, que veut dire ceci ? Je me plaindrai. » Le conducteur flegmatique et sérieux rétorque : « Le beau mussieu, y a, y a, que la vache a vient de rejoindre l’train. »
Des cris s’élèvent dans le chantier enfumé.
— Hourrah pour Charette ! Encore ane… encore ane…