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LES VALADE

***

Quelle chaleur !

Tout l’après-midi, des moustiques sont venus, je ne sais d’où, par millions. Sous les arbres, dans l’espace, aux portes des bâtisses, leurs mouvements dessinent des arabesques sales, des guirlandes de bruit.

C’est une fumée vivante, créée par la terre trop remplie de sève, à l’époque où, dans les feuillages, les œufs se brisent, au fond des nids, pour laisser se mouvoir des germes d’ailes.

Il y aura sans doute du mauvais temps d’ici demain. Le soleil a descendu ses persiennes grises et les roule, en amateur, devant sa fenêtre de feu. Les nuages font courir leurs ombres sur le lac et sur les monts. Les bosquets sont inondés de légères vagues noires, déferlant, de montagne en montagne, en effluves de nuit.

L’Épicier m’interpelle de la porte de sa masure.

— V’nez fumer ane pipe… j’vous parlerai d’Valade…

Mon ami est étendu sur un rouleau de câble, envoyé pour servir au flottage du bois. Il s’amuse à jeter des poignées d’herbe dans une chaudière rouillée, trouée, au fond de laquelle brûle du charbon de forge. La boucane éloigne