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VIII

UN DIMANCHE AU CHANTIER


Trois heures du matin.

Philias L’Épicier, assis devant sa tente, au lac Jérôme, regarde l’aube. Il attend l’amour. La vie lui semble un rideau épais formé de rayons lunaires, de premières clartés, unissant la terre et les cieux dans une étreinte sublime.

L’obscurité s’évapore peu à peu. Le haut de l’azur conserve vaguement un brun de prunelles, où les astres dessillent, goutte à goutte, leurs derniers feux. Deux petits nuages, séparés par un rien de lune nouvelle, imitent une bouche, laissant perler son ivoire entre deux lèvres pourpres.

Le beau spectacle change avec les minutes. Le temps, de sa faux rose à manche d’ébène, couche des moissons blondines, sur l’horizon. La terre avance dans une mer d’orangeade. Le lac déroule ses banderoles opalines. Les vagues, tassées, rondes, flottent en se heurtant, comme des citrons.